Néonicotinoïdes : 500 tracteurs à Paris pour protester contre leur interdiction

Ces pesticides, souvent décrits comme des « tueurs d’abeilles », ne feront pas l’objet d’une dérogation en 2023, ce qui fait craindre des pertes massives de production.






Par Théo Sauvignet


Quelque 500 tracteurs se sont réunis devant l’hôtel des Invalides pour protester contre l’interdiction des pesticides néonicotinoïdes ce mercredi 8 février.
© MARIE MAGNIN / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

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Des centaines d’agriculteurs accompagnés de leurs tracteurs ont répondu à l’appel de la FNSEA et du syndicat des betteraviers ce mercredi sur l’esplanade des Invalides, à Paris, pour protester contre l’interdiction des néonicotinoïdes en France. Cette famille de pesticides, qui protègent les plantes des pucerons, est au cœur de grands débats depuis des années. Des débats finalement clos par le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, le 23 janvier dernier, qui a annoncé renoncer à une mesure dérogatoire autorisant leur usage pour protéger les semences de betteraves sucrières.

« On veut aller vite, vite, sans réfléchir », s’agace du haut de son tracteur Antoine, 39 ans et producteur de betteraves sucrières en Seine-et-Marne. Les néonicotinoïdes (NNI) seraient hautement toxiques pour les abeilles et en partie responsables de leur déclin au XXIe siècle. Ils ont progressivement été interdits dans les cultures céréalières au cours des années 2000, mais subsistaient pour certaines cultures particulièrement sensibles, comme celle de la betterave sucrière.

L’Union européenne a fini par interdire trois puis quatre des cinq molécules de la famille en 2018. La France, elle, les a toutes retirées en accordant des dérogations chaque année jusqu’en 2020. Résultat : cette année-là, la filière française de la betterave à sucre, pourtant la première d’Europe, a perdu la moitié de ses rendements à cause d’un virus transmis par les pucerons.

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En 2021 et 2022, pour éviter le désastre de l’année précédente, les NNI ont été réautorisés sous la forme d’enrobage des semences de betteraves. Cette formule offre une protection efficace et réduit les risques pour les abeilles, bien qu’elle ne les supprime pas. Depuis le 23 janvier, ces semences aussi sont interdites. « On n’est pas contre l’évolution ou le changement », témoigne l’agriculteur, qui argue que d’autres pays européens, comme l’Allemagne, utilisent une version pulvérisée de ces pesticides, en plein air, et donc bien plus problématique. « La France a déjà une des agricultures les plus respectueuses de la biodiversité au monde, on veut faire plus blanc que blanc, ça n’a pas de sens », abonde Rémi, 27 ans, lui aussi producteur en Seine-et-Marne.

Une interdiction des néonicotinoïdes, mais pas de solution

Le jeune agriculteur déplore que l’État ne laisse pas le temps à la recherche de trouver une alternative. « On commence à avoir des semences naturellement résistantes, mais ce n’est pas encore totalement abouti », explique-t-il. Le fait d’avoir reçu l’interdiction si tard dans l’année l’agace aussi : sa coopérative commence à organiser les achats de semences dès septembre, mais, avec l’annonce du ministre, il a fallu changer les plans à deux mois des semis, en mars. Finalement, il déplore de n’être « jamais serein face à un contrôle », avec toutes ces règles, tous ces ordres et contrordres qui se multiplient et parfois se contredisent.

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Dans la manifestation, presque tous les secteurs de production sont représentés : céréaliers et fruitiers sont aussi venus apporter leur soutien. Françoise Roch, présidente de la Fédération nationale des producteurs de fruits, vient dénoncer l’attaque à la souveraineté alimentaire française que représente cette interdiction, tout autant que le risque environnemental. « On risque d’importer les produits d’une agriculture dont on ne veut pas en France », s’exclame-t-elle au micro. Si l’État a promis d’indemniser les agriculteurs pour les pertes de production qu’ils risquent de subir cette année, ce n’est, selon eux, pas un système viable pour autant. « On ne veut pas vivre de subventions, on veut faire notre travail : nourrir les Français », pouvait-on entendre entre les tracteurs.

Une « décision politique »

Pour Antoine, c’est une décision politique : « On peut décider d’arrêter la filière sucrière en France, mais il faut assumer ce choix et les conséquences qu’il y a derrière », déclare-t-il. Rémi déplore, lui, le manque d’intelligence dans les décisions du ministère, qui risque de coûter aussi cher à l’environnement qu’à la filière. « Les produits phytosanitaires, ça coûte cher, ça demande du temps et ça tue la terre. On n’en utilise pas par plaisir, au contraire. Mais, quand il n’y a pas d’alternative, comme avec les NNI, on y est obligés », résume-t-il.

Source: lepoint.fr

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