Le gouvernement a subi un premier revers à l’Assemblée dès le vote du deuxième article du projet de réforme des retraites. Après des jours de débats marqués par de très vifs incidents, les députés ont rejeté, mardi 14 février, l’« index seniors » en entreprise, un dispositif promu par l’exécutif pour inciter les employeurs à recourir à plus de salariés âgés.
Las. Par 256 voix contre 203, et 8 abstentions, les parlementaires ont infligé une sérieuse claque à la majorité. Au point de faire douter celle-ci de la sincérité du scrutin. A l’annonce du résultat, la présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, a effectué en vain un recomptage des voix de son camp, persuadée d’une défaillance électronique dans les votes.
Le rôle prépondérant de la droite
« Ce soir, toute la gauche et le FN célèbrent le fait de supprimer du projet de réforme des retraites l’article qui crée un index de l’emploi des seniors, a déploré dans la foulée sur Twitter le ministre du travail, Oliver Dussopt. Unis pour supprimer un nouvel outil en faveur de l’emploi des plus âgés. »
Certes, les voix cumulées de députés de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (134) et du Rassemblement national (77) comptent pour plus de 80 % dans les « contre » à l’« index seniors ». Mais, contrairement à ce que dénonce Olivier Dussopt, le rejet de l’article 2 ne repose pas sur une alliance de circonstance entre la gauche et l’extrême droite.
Le gouvernement doit plutôt son échec, et sa surprise, à l’opposition de la droite. Trente-huit députés Les Républicains (LR) se sont opposés au dispositif, six se sont abstenus, aucun ne l’a soutenu. Même Horizons, pourtant partenaire de Renaissance au sein de la majorité, n’a pas fait corps derrière le gouvernement : deux de ses membres se sont abstenus, 24 ont voté pour.
« Nous avions décidé dans le groupe de voter contre cet article », « un espèce de machin qui allait peser sur le travail quotidien des entreprises », a expliqué mercredi sur France 2 le président des députés LR, Eric Ciotti. L’épisode nocturne ne confirme pas moins la grande complexité de l’équation sur l’ensemble du texte du gouvernement, qui mise sur un accord avec la droite pour faire adopter le texte au Parlement malgré la persistance du mouvement social.
LR maintient la pression
Officiellement, la direction des Républicains maintient son soutien au projet de loi, et au passage de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite. « Ma famille politique a voté hier une motion à la quasi-unanimité disant que nous souhaitions voter cette réforme parce qu’elle est nécessaire », a rappelé, mercredi Eric Ciotti.
La veille, Elisabeth Borne a pourtant jugé nécessaire de lâcher du lest sur le volet des carrières longues. La première ministre a annoncé que les personnes ayant commencé à travailler avant 21 ans n’auraient pas à cotiser plus de 43 ans pour partir à la retraite, dès lors qu’ils auront atteint l’âge de départ anticipé requis. Matignon a ensuite précisé qu’il serait possible de partir sans décote avec ces 43 ans de cotisations.
Dans le projet initial, certains salariés en carrière longue devaient cotiser quarante-quatre ans. Déposé dans la soirée, l’amendement du gouvernement prévoit un possible départ à 63 ans pour ceux ayant travaillé 4 ou 5 trimestres avant 21 ans, ainsi que de futures mesures par décret, ce qui a laissé les LR dans l’expectative.
Le gouvernement sait que le sujet constitue un point d’achoppement des députés de droite encore réfractaires à sa réforme, au premier rang desquels le vice-président du parti, Aurélien Pradié. L’élu du Lot a reproché mardi soir à M. Dussopt de « n’apporter aucune réponse aux questions des parlementaires » et l’avertissait d’un futur « problème démocratique majeur ».