En acceptant « tout type de maillot de bain », la ville de Genève ouvre ses piscines au burkini comme au topless. Une fausse idée d’égalité ?
De notre correspondant à Genève, Ian Hamel
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Pour Alia Chaker Mangeat, conseillère municipale du centre de la ville de Genève, la cité de Calvin a peut-être mieux à faire que d’« importer un conflit franco-français » et de se prendre la tête sur le burkini dans les piscines municipales. Lundi, par 38 voix pour, 33 contre et une abstention, la ville a modifié le règlement dans ses bassins. Il ne fait plus mention des tenues exigées, évoquant simplement des tenues « décentes et appropriées ». Ce qui veut dire que le burkini comme les seins nus sont dorénavant autorisés.
Mais, comme on peut s’en douter, les élus ne se sont pas déchirés sur les femmes qui ne portent pas de soutien-gorge, mais bien sur ce maillot de bain qui couvre le tronc, une grande partie des membres et même la tête. En France, en mai 2022, la ville de Grenoble avait adopté un nouveau règlement permettant aux usagers de couvrir davantage leur corps. Les juges du tribunal administratif de Grenoble ont prononcé la suspension de ce nouveau règlement. Une suspension confirmée par le Conseil d’État en juin 2022, considérant que ce nouveau règlement intérieur à Grenoble « affecte le respect pour les autres usagers de règles de droit commun trop différentes »
« Le burkini, on s’en fout »
En Suisse, l’interdiction de la burqa et du niqab est du ressort de la Confédération. En revanche, aucune loi fédérale ou cantonale ne réglemente le port du burkini, la décision revient aux municipalités. Pour imposer un nouveau règlement à Genève, la gauche et les Verts ont fait profil bas. À l’image du socialiste Pascal Holenweg, à l’origine de la proposition, qui déclare : « Nous ne parlons que de tenues de bain. Le burkini, on s’en fout. » Et, pour une élue écologiste, il faut penser « aux personnes enceintes, aux personnes handicapées, à celles qui ont des cicatrices, des problèmes de peau ». En d’autres termes, ce changement de réglementation ne concernerait pas les musulmans, mais les personnes « qui ont des complexes ».
À LIRE AUSSIAu Conseil d’État, le port du burkini nourrit de larges débatsDes arguments que la droite, très hostile à l’autorisation du burkini, ne prend guère au sérieux. Il y a quelques semaines, Bertrand Reich, président du Parti libéral-radical (PLR) de Genève, cité dans Blick, assure : « Le burkini est un symbole de l’islamisme, et de tout ce qui va avec, notamment de ce qui se passe en Iran en ce moment. Il serait paradoxal d’autoriser ce symbole au moment même où, dans ces régions, des femmes se battent et certaines meurent pour combattre l’islamisme. »
L’extrême droite annonce un référendum
Michèle Roullet, également PLR, déclare : « Nous sommes face à un véritable combat idéologique face auquel personne n’est dupe. Ce texte souhaite imposer une vision dogmatique dans nos piscines. » Pour l’Union démocratique du centre (UDC), le parti le plus à droite de l’échiquier politique, « les extrémistes revendiquent par ce vêtement leur appartenance à la charia et leur refus de s’intégrer ». Comme à son habitude, l’UDC souhaite lancer un référendum afin que le dernier mot revienne aux Genevois. Pour cela, il lui faudra recueillir 3 200 signatures en quarante jours. Ce matin, les deux principaux quotidiens de la ville titrent d’ailleurs sur ce probable référendum : « Référendum annoncé contre le burkini dans les piscines municipales », écrit La Tribune de Genève, « À Genève, les piscines municipales autoriseront le burkini, l’UDC va combattre la mesure », annonce Le Temps.
En ce qui concerne la liberté pour les femmes de se baigner les seins nus dans les piscines, il n’y a d’autant pas eu de vagues que cette autorisation a déjà été accordée pour celles qui préfèrent l’eau froide du lac Léman ou du Rhône. À la suite d’une pétition dénonçant l’excès de zèle de la police, en 2017, le gouvernement cantonal a modifié le règlement datant de 1929. « Nous abaissons nos principes moraux concernant le haut du corps », avait alors expliqué le président du Conseil d’État.
Source: lepoint.fr