« De la merde dans les oreilles ! » : pourquoi « Nouvelle Star » cartonnait

Début 2007. Une file interminable de milliers de chanteurs en herbe s’étire à Marseille, comme à chaque fois que l’émission Nouvelle Star pose ses valises dans une ville pour un casting. Le jeune Julien, venu avec son ukulélé, attend patiemment son tour… mais est rembarré avant même la première note par l’intraitable jury, qui ne veut l’entendre qu’a cappella. Rattrapé in extremis par la production, il séduit finalement le jury. Dans un rebondissement comme seule la télé sait en provoquer, les téléspectateurs de M6 voient naître sous leurs yeux l’une des figures de la chanson française, Julien Doré.

Dans la frénésie des années 2000, le télécrochet de la Six est un immense succès, et ses meilleurs candidats voient leur carrière propulsée en quelques semaines. Près de 2 000 personnes viennent chaque jour tenter leur chance aux auditions, et des millions suivent ensuite leurs aventures sur le petit écran. Nouvelle Star, c’est l’anti-Star Ac, de la concurrente TF1. « Un programme pur », vante la jurée emblématique Marianne James, et qui pouvait se passer des artifices de la télé-réalité. « On n’avait pas besoin de les faire courir tôt le matin dans un parc ni de sous-titrer leurs conversations sous la couette. » Vingt ans après ses débuts, M6 lui consacre ce mercredi 15 février une émission rétrospective. Retour sur un phénomène.

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De la rue au plateau

En 2003, TF1 cartonne avec la Star Academy. Sur M6, Popstars, qui vient de propulser les L5 à la première place des groupes (éphémères) français, commence à montrer des signes de faiblesse après une deuxième saison ayant couronné les tièdes Whatfor. Pas question pour « la petite chaîne qui monte » de laisser filer son audience. Elle jette alors son dévolu sur un nouveau format qui, depuis deux ans, fait vibrer Royaume-Uni et États-Unis, Pop Idol, un télécrochet pour trouver la star de demain.

La règle est on ne peut plus simple ; la mécanique, bien huilée. Quatre jurés issus du monde de la musique font passer sur trois ou quatre émissions des castings à tout ce que la France (et la Belgique) pense avoir de talents. L’audition ouverte sans filtre, les longues files d’attente qu’elle provoque, la sélection drastique… Rien n’est laissé au hasard, explique-t-on à la production. « Ce système d’entonnoir, avec l’émission qui commence dans la rue et se termine dans la lumière du plateau, c’est pour ça que ça fonctionne si bien. » Les places sont chères pour être sélectionné parmi les 15 finalistes et avoir une chance de pouvoir se produire en direct et en prime time, sur la scène du Pavillon Baltard, pendant dix semaines.

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Si les versions britannique et américaine misent sur des têtes d’affiche, l’adaptation tricolore parie sur quatre quasi-inconnus : le producteur de spectacles Dove Attia aux goûts très populaires, la productrice de musique Varda Kakon, l’auteur chouchou de Pascal Obispo et Florent Pagny, Lionel Florence, et le compositeur André Manoukian, aussi virtuose avec les mots qu’avec les notes. Benjamin Castaldi fait, lui, office de monsieur Loyal.

Liberté d’expression et casseroles

Mais, la première année, À la recherche de la nouvelle star patine. Pas de révélation parmi les candidats de cette première saison, alors que la rivale Star Academy entame sa troisième saison avec des audiences de rêve et déjà deux gagnantes à succès : Jenifer et Nolwenn Leroy. M6 revoit sa copie, avec un nouveau titre, plus efficace – Nouvelle Star –, et surtout un jury plus énergique. André Manoukian et Dove Attia conservent leur fauteuil, mais ils sont désormais accompagnés du batteur Manu Katché et de la chanteuse lyrique Marianne James, dont la verve et la franchise ne tardent pas à donner des couleurs aux audiences… et des sueurs froides à la direction de la chaîne.

« Vous avez de la merde dans les oreilles ! » Premier direct de la saison 2. Le public, appelé à voter pour son candidat préféré, a sauvé le beau gosse de la saison, suscitant l’incompréhension et la colère du jury, qui trouve en Marianne James une porte-parole cash n’hésitant pas à rugir en direct. Un coup d’éclat qui va positionner Nouvelle Star comme un télécrochet pas comme les autres. « La liberté d’expression sur cette émission était incroyable, se rappelle Manu Katché. On s’est permis beaucoup de choses. »

Le programme a trouvé son rythme et sa singularité. Pas besoin de faire le show entre les émissions avec des engueulades au château et des séquences émotion au confessionnal. Le télécrochet cherche à se débarrasser de l’étiquette télé-réalité et de ses excès, bien qu’il garde la mythique – et cruelle – séquence des casseroles, les pires chanteurs entendus aux auditions, parfois persuadés d’avoir un vrai talent.

Vers un retour ?

Si le gagnant de la saison 2, Steeve Estatof, n’a pas plus marqué les esprits, Amel Bent, éliminée en demi-finale, verra, elle, s’ouvrir les portes de la gloire. Le succès s’emballe au cours de la quatrième saison avec la découverte de Christophe Willem, « la tortue », comme le surnomme affectueusement le jury. Puis viendra le tour de Julien Doré (et ses reprises très originales, « Moi… Lolita » en tête), qui correspond à l’année où Virginie Efira prend la place de Castaldi, parti sur TF1.

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L’émission de M6 devient le mètre étalon du télé-crochet, pendant que, sur la chaîne rivale, Star Academy s’essouffle doucement. Succès phénoménal, valse des jurés (Lio, Sinclair et Philippe Manœuvre viennent appuyer sur les buzzers rouge et bleu), audiences en hausse… Nouvelle Star est le prototype de l’émission branchée, qui n’a pas besoin de stars internationales pour briller.

Mais les modes ne durent qu’un temps. Les autres gagnants, Amandine Bourgeois, le rockeur gothique Soan ou encore la rousse Luce n’auront pas le succès de leurs aînés. Après huit saisons, la scène de Baltard ferme ses portes pour mieux revenir sur D8, où, sans démériter, Nouvelle Star ne retrouvera plus ses audiences ni même son aura. Le retour tenté en 2017 sur M6 sera un fiasco. Avec cette émission hommage, la chaîne teste-t-elle l’effet nostalgie pour ressusciter le programme ? Nul doute que le succès de la nouvelle Star Ac, fin 2022 sur TF1, a été scruté de près…

Source: lepoint.fr

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