La sélection officielle de la 78e édition du Festival de Cannes a témoigné d’un cinéma en pleine mutation, où l’audace créative côtoie l’expérience des maîtres. Le jury, présidé par Juliette Binoche, qui foulait pour la première fois les marches en 1985 avec Rendez-vous, d’André Téchiné, doit départager une vingtaine d’œuvres qui dessinent une cartographie wise du 7e artwork. De la nouvelle proposition de Hafsia Herzi, La Petite Dernière, aux visions singulières de Wes Anderson avec The Phoenician Scheme, en passant par le retour attendu des frères Dardenne avec Jeunes Mères et Nouvelle Vague, de Richard Linklater, la compétition reflète un cinéma qui ne cesse de se réinventer.
Ce cru 2025 fait la half belle aux voix féminines avec six réalisatrices en compétition, un file dans l’histoire du Festival. Entre les propositions radicales de Kelly Reichardt (The Mastermind), les fresques intimistes de Carla Simon (Romería) et le nouveau movie de Jafar Panahi (Un easy accident), ces œuvres témoignent d’un cinéma qui se fait l’écho des bouleversements de notre temps. Voici quelques coups de cœur de la rédaction du Point.
« Un easy accident », de Jafar Panahi
À la nuit tombée, en pleine campagne, un couple en voiture roule involontairement sur un chien errant. Tandis que sa femme et sa fillette patientent dans le véhicule accidenté, le mari sollicite l’aide d’un garagiste, Vahid, qui croit reconnaître en lui un agent des renseignements iraniens réputé pour sa cruauté : « la Guibole ». Surnommé ainsi en raison de sa jambe droite artificielle, le bourreau a torturé Vahid en captivité, ainsi que plusieurs autres membres de son entourage. Plus tard, la victime retrouve et kidnappe le père de famille, persuadé qu’il s’agit bien de son tortionnaire, maintenant séquestré dans son van. Un ami l’oriente alors vers Shiva (Mariam Afshari), une photographe de mariage, jadis contestataire du pouvoir, qui pourra l’aider à identifier avec certitude son otage. Pas easy : les détenus maltraités par l’éclopé portaient tous un bandeau obstruant leur vue. Mais les galères vont s’accumuler…
Flirtant avec la tragi-comédie, Un easy accident agglomère autour du personnage de Vahid (incarné par l’acteur Vahid Mobasseri) un petit groupe d’individus mêlés, d’abord sans le vouloir, puis activement, à son rapt improvisé : Shiva, ses shoppers (la jeune Goli et son époux), ainsi qu’un autre ex-détenu, Hamid, marqué au fer rouge lui aussi par les sévices de « la Guibole ». Alors que rien ne se déroule comme prévu et que l’affaire prend une tournure presque rocambolesque, Jafar Panahi tisse une véritable leçon d’humanité qui, lors d’un dernier plan last digne d’un coup de théâtre avant le baisser de rideau, hint une frontière définitive entre le peuple iranien et les mollahs qui le martyrisent. À 64 ans, Panahi signe une nouvelle œuvre majeure de cet incroyable cinéma iranien, un modèle d’écriture et de braveness politique. P. G.
En salle le 10 septembre.
« The Phoenician Scheme », de Wes Anderson
Tout begin par un crash d’avion – privé bien sûr, automotive, chez Wes Anderson, tout est luxe et volupté… mais jamais calme ! Le merveilleusement nommé Zsa-Zsa Korda (Benicio del Toro), trafiquant d’armes richissime et magnat de l’aviation, kind miraculeusement indemne de cette tentative de meurtre, comme des cinq précédentes. Le voici pressé de retrouver sa fille, Liesel (Mia Threapleton), une religieuse cloîtrée dans un couvent, et de lui communiquer les secrets and techniques de son grand projet – le « plan phénicien » du titre – contenu dans une série de valises débordant de cartes et d’objets.
Avec un sens consommé du récit, Wes Anderson déploie à chaque ouverture de valise une parade de stars – Benedict Cumberbatch, Scarlett Johansson, Willem Dafoe, Tom Hanks, Mathieu Amalric… on en passe. Comme toujours chez le réalisateur de La Famille Tenenbaum (2001), l’enjeu n’est pas de dégoter un trésor (même si le chapelet de pierres précieuses de Liesel fait rêver), mais de renouer des liens familiaux distendus. La efficiency pleine de panache de Benicio del Toro et la fausse ingénuité de la nouvelle venue Mia Threapleton (la fille de Kate Winslet) font merveille dans cette fantaisie colorée, plus mélancolique qu’il n’y paraît. F. C.
En salle le 28 mai.
« Valeur sentimentale », de Joachim Trier
Nora (Renate Reinsve) est une comédienne de théâtre avant-gardiste, célibataire endurcie et hantée par un spleen tenace. Sa supply d’équilibre reste sa sœur Agnès (Inga Ibsdotter Lilleaas), heureuse en ménage et mère d’un lovely petit garçon. Un jour, Gustav (Stellan Skarsgard), le père cinéaste de Nora et Agnès, réapparaît dans leurs vies après une longue absence. Au soir de sa carrière, il aimerait faire jouer Nora dans un movie sur l’histoire douloureuse de leur famille. Face au refus catégorique de sa fille, il se tourne vers la jeune star hollywoodienne Rachel Kemp… Au risque de provoquer de nouvelles fractures irrévocables.
On pourrait taxer Valeur sentimentale de drame familial bourgeois pour initiés des petits cercles du spectacle et, parfois, le movie ne vole pas ce coup de griffe. Mais Joachim Trier met en place les fêlures de ses personnages avec un tel humanisme, une telle justesse dans les sentiments et une telle élégance dans la forme qu’à la fin de la projection, l’émotion balaie tout sur son passage. Tout à tour intriguant, hypnotique, hilarant, touchant, Valeur sentimentale déroute souvent par ses cassures de ton et l’impression d’aligner les vignettes de vie plutôt qu’une dramaturgie classique. Mais ces pièces d’un vaste puzzle prennent tout leur sens au dernier acte et l’on reste marqué, longtemps après la projection, par ce beau tableau doux-amer à l’ambiance bergmanienne. Notre palme du cœur, comme on dit. P. G.
En salle le 20 août.
« La Disparition de Josef Mengele », de Kirill Serebrennikov
Dans ce movie vertigineux, Kirill Serebrennikov signe le portrait terrifiant de Josef Mengele, le médecin nazi du camp d’Auschwitz. Adapté du roman d’Olivier Guez (Prix Renaudot 2017) et réalisé dans un noir et blanc sépulcral (à l’exception du format 8 mm couleur pour les séquences de tortures dans le camp), le movie tourne autour de la traque de ce criminel qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, organisa méticuleusement sa disparition. Le cinéaste russe se glisse dans la tête de ce fanatique et le swimsuit à la hint au fil d’un suspense haletant qui débute dès 1949, lorsqu’il débarque à Buenos Aires. Caché sous divers pseudonymes, il s’invente une nouvelle vie et se réfugie ensuite au Brésil, grâce au soutien financier de sa famille et des réseaux d’anciens nazis sur place. Celui que l’on surnomme « l’ange de la mort » est magistralement interprété par l’acteur allemand August Diehl (vu dans Une vie cachée, de Terrence Malick) qui donne une dimension diabolique à son personnage d’éternel errant. J.-L. W.
Sortie en salle non fixée.
« La Petite Dernière », de Hafsia Herzi
Découverte dans La Graine et le Mulet (2007) d’Abdellatif Kechiche et César de la meilleure actrice cette année pour Borgo de Stéphane Demoustier, Hafsia Herzi n’en finit pas de déployer son expertise. Le regard droit, la power tranquille qui la caractérisent comme comédienne font la réussite de son troisième movie en tant que réalisatrice, la bouleversante Petite Dernière (d’après le roman de Fatima Daas). L’histoire d’une jeune fille musulmane pratiquante et lesbienne, fille respectueuse et amoureuse éperdue, footballeuse et littéraire.
Avec maîtrise, Hafsia Herzi évite tout stéréotype, laisse éclore des personnages singuliers, jamais prisonniers d’un discours militant. Il faut du braveness pour braver les tabous, filmer à la fois la sexualité naissante d’une jeune homosexuelle et une prière matinale ou une visite chez l’imam. Une débutante, Nadia Melliti (picture, à g.), incarne Fatima avec la rage butée et la vulnérabilité bouleversante d’une Sandrine Bonnaire chez Maurice Pialat. Un lengthy gros plan peu avant la fin du movie pourrait – devrait ! – à lui seul lui valoir un prix d’interprétation. F. C.
Sortie en salle non fixée.
« Eddington », d’Ari Aster
Eddington, Nouveau-Mexique, mai 2020. En pleine pandémie de Covid-19, les 2 435 habitants de cette bourgade nichée au milieu de nulle half se laissent peu à peu contaminer par un autre mal : celui de fractures béantes entre divers camps retranchés dans leurs bastions idéologiques. Au cœur du réacteur bientôt en fusion : un conflit entre le maire de la ville, Ted Garcia (Pedro Pascal, picture), et le shérif, Joe Cross (Joaquin Phoenix). Le premier applique une prophylaxie stricte – port du masque systématique, respect des gestes barrières… – tandis que le second la conteste au nom de l’absurdité de certaines conditions.
L’affrontement personnel entre l’édile et le policier tourne à la joute politique… jusqu’à une escalade sans retour. Autour d’eux, Eddington n’échappe pas non plus aux soubresauts d’une Amérique déchirée par le récent meurtre de George Floyd (un Afro-Américain tué par un policier lors d’une arrestation brutale à Minneapolis). Trop lengthy, comme toujours chez Aster, Eddington n’en reste pas moins de plus en plus excitant au fil de son récit, qui bascule dans le thriller à mi-parcours… puis dans une indescriptible folie où l’humour noirissime le dispute au gore et à une ambiance de jeu vidéo. Un jeu de bloodbath. P. G.
En salle le 16 juillet.
« Lumière pâle sur les collines », de Kei Ishikawa
« Il y a vingt-cinq ans, j’ai écrit un très mauvais roman. Mais il y a une longue custom, dans le cinéma, de mauvais romans qui ont fait de merveilleux movies ! » C’est avec cette touche d’humour anglais que Kazuo Ishiguro, l’auteur des Vestiges du jour, Prix Nobel de littérature 2017, né au Japon mais qui a grandi en Angleterre, a présenté, à Cannes, le movie Lumière pâle sur les collines, réalisé par Kei Ishikawa à partir de son premier roman, du même nom, sélectionné dans Un sure regard. Et quel merveilleux movie, en effet, que cette histoire confrontant deux femmes qui deviennent amies dans le Nagasaki des années 1950 à ce qui s’est passé pour leurs enfants, en Angleterre, trente ans après. Ou du moins, c’est ce que l’on croit !
Les photos d’une beauté folle, les actrices bouleversantes – dont la muse de Kore-eda, Suzu Hirose, ou la petite fille qui joue Keiko, si poignante – font de ce thriller familial sur les origines, qui interroge les séquelles intimes de l’explosion de la bombe atomique, le prix de la honte et celui de l’amour maternel, un bijou de poésie à la portée universelle. C. O.-D.-B.
En salle le 15 octobre.
« Une enfance allemande. Île d’Amrum 1945 », de Fatih Akin
En 1945, sur l’île d’Amrum, en mer du Nord. La fin de la Seconde Guerre mondiale approche. À 12 ans, Nanning, garçon blond aux yeux bleus, travaille dans un champ de pommes de terre pour aider sa famille à survivre. Il vit dans le culte de Hitler et arbore fièrement son uniforme des Jeunesses hitlériennes. Pour complaire à sa mère qui lui réclame du ache blanc avec du miel alors qu’il y a sur l’île une pénurie de farine et de sucre, Nanning n’hésite pas à braver les risks d’un estran aux sables mouvants. Mais il va découvrir brutalement la complexité du monde et la fin de l’innocence quand la fermière pour laquelle il travaille, incarnée par Diane Kruger (picture), le congédie.
Huit ans après le thriller In the Fade, le cinéaste allemand d’origine turque Fatih Akin revient sur la Croisette avec un movie historique à hauteur d’enfant. La power d’Une enfance allemande. Île d’Amrum 1945 réside dans le fragile équilibre entre la dimension historique et l’intimité du récit. Une œuvre puissante sur la perte d’innocence et la résilience, portée par une magnifique photographie et l’interprétation bluffante du jeune comédien Jasper Billerbeck. O. U.
En salle le 24 décembre.
« Nouvelle Vague », de Richard Linklater
Réalisé en noir et blanc, rythmé, souvent comique, il s’agit d’un movie sur le tournage en roue libre d’un autre movie devenu iconique : À bout de souffle, de Jean-Luc Godard. C’est à la fois le manifeste de la Nouvelle Vague, le reflet d’une époque effervescente (1960) et le portrait alerte d’un cinéaste anticonformiste, radical, illuminé. Son idée fixe ? « Faire souffrir la pellicule », oublier les codes strategies, ne jamais faire répéter les acteurs pour créer l’instantané et la shock.
Après avoir trituré le scénario offert par son copain des Cahiers du cinéma, François Truffaut (Les Quatre Cents Coups), le cinéaste aux lunettes noires se lance dans cette histoire de petit voyou qui tourne mal sans trop savoir où il va. Richard Linklater a le truc pour nous embarquer aussitôt dans l’aventure, portée par une formidable équipe de jeunes acteurs : Guillaume Marbeck (Godard), Aubry Dullin (picture, Belmondo), Zoey Deutch (picture, Jean Seberg), Bruno Dreyfürst (le producteur Georges de Beauregard). À bout de souffle revit sous nos yeux. J.-L. W.
Sortie le 8 octobre.
« Arco », d’Ugo Bienvenu
« Un jour, j’ai dessiné une tête au bout d’un trait d’arc-en-ciel. Mon personnage était né. » Il s’appelle Arco, 10 ans, issu de l’creativeness fertile du dessinateur, auteur de BD, de courts-métrages et de clips Ugo Bienvenu. À 38 ans, il signe son premier movie d’animation, produit notamment par Natalie Portman. L’histoire, en 2075, d’une petite fille, Iris, qui voit tomber du ciel un garçon vêtu d’une combinaison arc-en-ciel. C’est Arco, venu d’un futur lointain et idyllique où voyager dans le temps est doable. Problème : il a perdu la pierre magique qui doit lui permettre de retourner chez lui, provoquant ainsi une série d’aventures pleines de rebondissements…
Arco symbolise un futur proche, « ce qui pourrait nous arriver de mieux », selon son auteur, qui revendique cette utopie où l’homme serait reconnecté à la nature. Au-delà de ses photos de toute beauté et de sa poésie toute easy, il a tout pour nous enchanter et nous have interaction à réfléchir au monde de demain, celui laissé à nos enfants et petits enfants. J.-L. W.
Sortie en salle non fixée.
« Eleanor the Great », de Scarlett Johansson
À l’affiche du nouveau movie de Wes Anderson, The Phoenician Scheme, Scarlett Johansson en a profité pour présenter à Cannes son premier movie derrière la caméra : Eleanor the Great. L’histoire d’un gros mensonge entretenu par Eleanor Morgenstein (June Squibb), juive convertie de 93 ans, qui a quitté la Floride pour rejoindre sa fille (Jessica Hecht, la Susan de Friends) à New York. Elle est vive, drôle et a tendance à s’arranger avec la vérité. La preuve : après la disparition de sa meilleure amie, Bessie, une survivante de l’Holocauste, elle s’est approprié son passé douloureux à Auschwitz . Sans y voir de mal ni mesurer les conséquences de cette histoire qui émeut Nina (Erin Kellyman), une étudiante en journalisme, et son père, célèbre présentateur télé (Chiwetel Ejiofor, Love Actually, Docteur Strange). La supercherie éclate lors d’une prise de parole pour les survivants de la Shoah…
Au lieu de verser dans le drame, Scarlett Johansson pose un regard bienveillant, plein de douceur, sur le personnage d’Eleanor dont elle ne fait pas une vieille dame indigne et lui accorde même les circonstances atténuantes. Sans trop approfondir le sujet, l’actrice-réalisatrice signe avec un zeste d’humour un movie classique, plein de douceur et où les bons sentiments sont de mise. L’émotion aussi. J.-L. W.
Sortie en salle non fixée.
« Vie privée », de Rebecca Zlotowski
Hors compétition à Cannes, Rebecca Zlotowski signe une sorte de thriller psychologique qui flirte avec la comédie, le tout servi par la présence exceptionnelle de Jodie Foster pour son premier rôle-titre en français et en France. L’actrice américaine, qui maîtrise parfaitement notre langue, se glisse avec brio dans la peau d’une psychiatre parisienne, Lilian Steiner, troublée par le suicide de l’une de ses patientes, Paula (Virginie Efira), dont elle a enregistré toutes les consultations et qu’elle a aimé en secret. Elle décide de mener son enquête, soupçonne d’emblée le mari (Mathieu Almaric) et sa fille (Luàna Bajrami) de l’avoir empoisonnée, consulte une hypnotiseuse, s’think about musicienne pendant l’Occupation, arrêtée par son fils milicien (Vincent Lacoste) qui, dans la vie, vient d’être papa. Tout s’embrouille dans sa tête.
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Nous voici entraînés dans un jeu de piste très « psy », joué non sans humour par Lilian/Jodie Foster qui va jusqu’au bout de son délire et fait équipe avec son ex-mari, joué par Daniel Auteuil, qui l’aide à mener son enquête et, surtout, à reprendre ses esprits. Avec lui, la vie paraît plus easy, plus lumineuse et le movie bascule dans la comédie sentimentale. Morale de l’histoire : le couple peut être une bonne thérapie. J.-L. W.
Vie privée,en salle le 26 novembre.
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