« Bombe sanitaire » ou coup de com ? Ce que cache l’alerte au cadmium | EUROtoday

« Bombe sanitaire » ou coup de com ? Ce que cache l’alerte au cadmium | EUROtoday

« Le cadmium est à l’origine de l’explosion des cancers du pancréas », c’est une « bombe sanitaire ! » Envoyée en amont à toutes les rédactions de France, l’alerte lancée jeudi 5 juin par les Unions régionales de professionnels de santé (URPS)-médecins libéraux, à l’event de la Journée mondiale de l’environnement, avait tout pour soulever une formidable tempête médiatique.

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Un métal lourd, cancérogène avéré, directement désigné comme responsable d’une « flambée » de cancers, et auquel les enfants seraient « massivement exposés » by way of leurs céréales du petit déjeuner… « Faites le plus confiance potential au label bio », martèle depuis trois jours dans les médias le docteur Pascal Meyvaert, généraliste dans le Bas-Rhin et coordinateur du groupe de travail « Santé environnementale » de la Conférence nationale des URPS-médecins libéraux. Au risque, comprend-on, d’attraper un most cancers…

Une « dose hebdomadaire tolérable »

Dans leur courrier très alarmiste envoyé au Premier ministre, ces médecins implorent le gouvernement de réduire « le plus rapidement potential » les teneurs en cadmium autorisées dans les engrais phosphatés, désignés comme premiers responsables d’une « imprégnation alarmante » de la inhabitants.

L’information n’est pourtant pas nouvelle. Le sujet est même parfaitement identifié par les autorités dans le monde : le cadmium est un métal cancérogène prouvé, pouvant causer des maladies rénales, osseuses et cardiovasculaires. Au début des années 1990, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’empare du sujet, détermine une « dose hebdomadaire tolérable » pour l’être humain, et enjoint les pays à réduire massivement leurs rejets industriels et agricoles de cadmium, succesful de pénétrer les racines des plantes et d’entrer dans la chaîne alimentaire.
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Ce que les grands pays vont faire, notamment en Europe. Mais pour les médecins lanceurs d’alerte, le compte n’y est pas : « Le premier veilleur du système de santé, c’est le généraliste », soutient Éric Blondet, à la tête de la Conférence nationale des URPS-médecins libéraux. « Et nos membres nous remontent du terrain une flambée des affections pancréatiques. Nous ne pouvons pas nous taire. »

Basée sur des données épidémiologiques solides – mais anciennes –, l’alerte n’en soulève pas moins des questions. « Pourquoi maintenant ? Pourquoi ne pas mentionner que la première supply d’exposition au cadmium est la cigarette ? Pourquoi prétendre qu’il trigger une explosion de cancers du pancréas, alors que ce n’est pas vrai ? » s’interroge l’oncologue Jérôme Barrière, membre de la Société française du most cancers. « Je ne m’explique pas ce mode de communication, qui instrumentalise les peurs, sans données nouvelles… »

Un cancérogène très présent dans l’environnement

Naturellement présent dans la croûte terrestre, le cadmium, cancérogène avéré, est dispersé dans l’environnement. On en retrouve dans les sols, l’eau, les coquillages et les fruits de mer, le tabac… Mais les activités humaines ont largement amplifié cette présence. De nombreuses activités industrielles (centrales à charbon, traitement des déchets, fonderies, mines, raffineries…) rejettent du cadmium dans l’atmosphère.

Sur les terres agricoles, le métal est apporté par les engrais phosphatés minéraux, fabriqués à partir de phosphate naturel de calcium, dont les gisements les plus importants se trouvent aux États-Unis, en Chine, au Maroc, en Russie… Selon le gisement, le phosphate naturel contient plus ou moins de cadmium. Les phosphates russes ou américains en contiennent peu, au contraire du phosphate provenant du Maroc, auprès duquel s’approvisionne la France.

À LIRE AUSSI Pesticides : le grand cafouillage du gouvernementEn 2016, la Commission européenne a proposé un règlement visant à limiter la teneur en cadmium à 60 mg/kg d’engrais phosphatés. Il est entré en vigueur en 2022, et le règlement prévoit un nouvel abaissement à 20 mg/kg en 2034. Certains pays, comme la Suisse, la Finlande ou les Pays-Bas, ont déjà fixé des limites plus strictes que celles autorisées aujourd’hui. L’Anses, dans un avis très fouillé rendu en 2019, recommandait « la poursuite de la baisse de la valeur limite en dessous des 60 mg », afin d’enrayer la hausse de l’exposition de la inhabitants.

Une inhabitants largement exposée

Car les Français, c’est indéniable, sont largement exposés au cadmium – du moins selon les dernières données publiées, qui datent de 2016, il y a une dizaine d’années. « Nous avons constaté une augmentation de 40 % des niveaux de cadmium dans les urines de la inhabitants adulte entre les études ENNS (2006-2007) et Esteban (2014-2016) », explique Sébastien Denys, directeur de la path « Santé environnement travail » à Santé publique France. « Nous n’avons pas lancé d’alerte lorsque ces résultats ont été publiés, en 2021, mais l’augmentation est préoccupante. »

Dans le détail, la focus de créatinine dans les urines des Français s’élevait en moyenne à 0,57 µg/g en 2016, quand l’Anses fixe à 0,50 µg/g la valeur toxicologique de référence (VTR). Près d’un Français sur deux (47 %) dépassait cette VTR, et 18 % des enfants. Mais, pour appréhender correctement ces données et comprendre pourquoi ni les autorités sanitaires ni le gouvernement n’ont sonné le tocsin, il faut les examiner en détail.
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En étudiant l’origine de ces dépassements, d’abord. « Le premier facteur d’exposition reste le tabac », détaille Santé publique France, alors qu’en 2016, 28,7 % des Français se déclaraient fumeurs quotidiens, et 29,6 % ex-fumeurs. Chaque cigarette contient environ 0,5 à 2 μg de cadmium, qui va s’accumuler dans les reins, le foie, ou dans le pancréas. « Le premier message de santé publique devrait être d’alerter sur ce risque, ce que les lanceurs d’alerte ne font pas », déplore Jérôme Barrière, de la Société française du most cancers.

« Ils ne mentionnent pas non plus que les coquillages et les crustacés sont la première trigger alimentaire d’exposition chez les adultes. » Chez les enfants, si les céréales sont pointées, « l’étude Esteban montre que les consommateurs réguliers ont 8 % de risque en plus d’avoir un taux de cadmium élevé », détaille le spécialiste.

Privilégier l’alimentation bio, qui est le premier conseil du docteur Pascal Meyvaert, n’aurait probablement qu’un impression limité : les engrais phosphatés minéraux naturels sont autorisés en agriculture biologique, et leurs taux de cadmium sont les mêmes que ceux retraités par l’industrie. Le phosphate de Gafsa (Tunisie), par exemple, très utilisé en bio, peut contenir jusqu’à 60-80 mg de cadmium par kg.

Responsable d’une « explosion » des cancers du pancréas ?

« Il faut le dire haut et fort : cette affirmation est fausse », tranche Jérôme Barrière. « Une méta analyse a récemment montré un lien potential entre cadmium et most cancers du pancréas, mais avec un facteur de risque de faible à modéré, et sans aucune certitude. »

Et le nombre de cancers du pancréas « n’explose » pas, même s’il a « significativement augmenté », précise l’oncologue. Selon l’Institut nationwide du most cancers, 15 991 nouveaux cas ont été diagnostiqués en 2023, et la development du taux d’incidence depuis 1990 est de 2,3 % par an chez les hommes, et de 3,3 % chez les femmes.

À LIRE AUSSI L’acétamipride, cette molécule qui les rend tous fousUne development régulière, certes préoccupante, mais dont les principaux facteurs sont connus : tabac, surpoids, prédispositions génétiques et diabète. « D’autres facteurs de risque sont suspectés, dont la consommation d’alcool et l’obésité. Il faut aussi prendre en compte le vieillissement et l’augmentation de la inhabitants », ce most cancers se déclarant essentiellement après 65 ans.

« Peut-être qu’une partie de cette augmentation est liée à des facteurs environnementaux. Mais alors, parlons des crustacés, parlons de l’alimentation ultratransformée… Agiter les peurs en reprenant le narratif du second, contre les pesticides ou contre le cadmium, est contre-productif. Cela détourne l’consideration des vrais messages de santé publique. » Le lien entre le cadmium et les maladies cardio-vasculaires, suggéré dans certaines études, n’est lui non plus pas encore étayé.

Un gouvernement irresponsable ?

Reste que l’exposition au cadmium, dont le lien avec le most cancers du poumon est avéré (et suspecté pour les cancers du rein et de la prostate), doit être réduite – un objectif majeur, que portent, de l’Anses à Santé publique France, toutes les establishments de santé publique.

Mais les autorités ne sont pas restées inactives : toutes sources de air pollution confondue, les émissions de cadmium dans l’air ont chuté de 84 % entre 2000 et 2020, selon les dernières données du ministère de la Transition écologique. Et les apports d’engrais phosphatés minéraux se sont considérablement réduits : ils ont baissé de 70 % entre 1988 et 2022, au revenue des engrais organiques, documente l’Union des industries de la fertilisation (Unifa).

Sa persistance dans les sols représente un réel défi, mais le sujet est complexe, expliquait au Point, en décembre, l’un des meilleurs spécialistes français du sujet. La France, qui dispose du système le plus ancien et précis d’analyse de ses sols au monde, a de solides données sur les teneurs actuelles.

Les sols développés à partir de roches calcaires (en Champagne, en Charente, dans le Jura, and many others.) ont de fortes teneurs naturelles en cadmium, expliquait Christophe Nguyen, chercheur à l’Institut nationwide de la recherche pour l’agriculture et l’environnement, à Bordeaux.

Sur l’ensemble du territoire, cette teneur naturelle varie de 1 à 100. Un taux élevé n’est pas forcément inquiétant, automotive la « biodisponibilité » du cadmium, c’est-à-dire sa capacité à être fixé par les plantes, varie en fonction des sols et même des variétés plantées.

« Il a été démontré par de nombreuses études qu’il n’y a aucun lien direct entre la teneur totale en cadmium du sol et la focus dans les végétaux », soulignait en 2020 une synthèse de l’Inrae. Certains blés, explique Christophe Nguyen, possèdent un gène (Cdu1) qui favorise le transfert du cadmium vers les racines, ce qui réduit l’accumulation dans le grain. La recherche est en cours pour sélectionner des plantes les moins « cadmium compatibles ».

Actualiser les données d’imprégnation de la inhabitants

Les recommandations de Santé publique France n’ont pas varié, explique Sébastien Denys : « Le lien environnemental n’est pas établi, mais on ne peut pas l’exclure, et nous préférons ne pas attendre pour réduire l’exposition à la supply et abaisser les normes concernant les engrais », explique-t-il.

« Mais il faut réduire l’ensemble des sources d’imprégnation : diminuer le tabac, les engrais, diversifier l’alimentation en suivant les recommandations du Programme nationwide diet santé (PNNS)… C’est une grande politique de santé publique, qui se mène sur un temps lengthy. »

À LIRE AUSSI Le soja bientôt exclu des cantines scolaires ? L’Anses alerte sur ses risquesLa prochaine étape, cruciale, sera d’actualiser les données d’imprégnation de la inhabitants : ce sera l’un des rôles de l’enquête nationale Albane. Lancée le 10 juin 2025 auprès de 2 000 adultes et de 1 000 enfants, elle sera la première associant un examen de santé complet à une collecte détaillée de données sur les modes de vie, les habitudes alimentaires et l’exposition à une quinzaine de familles de substances chimiques, dont le cadmium. Les premiers résultats ne sont pas attendus avant 2028…

Géopolitique bother des engrais

Une attente intolerable pour les lanceurs d’alerte, dont la campagne pointe un seul responsable de la « contamination au cadmium » : les engrais, et une distinctive exigence : l’abaissement immédiat de la limite pour la teneur en cadmium des engrais phosphatés à 20 mg/kg, sans attendre 2034.

Une revendication qui angoisse le Maroc. En effet, ce pays, qui a travaillé d’arrache-pied pour réduire à 60 mg/kg leur teneur en cadmium, tire de ses engrais le quart de ses recettes à l’export et proceed à livrer le marché européen. Mais à l’inverse, la Russie se frotte les mains : ses engrais ont une teneur en cadmium remarquablement basse, inférieure à 5 mg/kg. Et elle met tout en œuvre pour le faire savoir…

À LIRE AUSSI Comment l’UE s’est mise dans la primary de Moscou pour trouver des engraisCar à l’origine de la vaste campagne médiatique pour des « phosphates plus sûrs » se trouve une organisation, enregistrée en novembre 2016 aux Pays-Bas, la Safer Phosphates Foundation. Membre fondateur de cette nouvelle affiliation, le géant russe des engrais PhosAgro, propriété de l’oligarque Andrey Guryev, proche de Vladimir Poutine.

Pseudo-fondation, mais vrai foyer, Safer Phosphates axe d’emblée sa communication sur les risks du cadmium, insistant sur sa cancérogénicité, finançant études et séminaires auxquels sont conviés ONG, médecins et députés français, incités à promouvoir une législation drastique en matière de fertilisants.

« Une campagne qui tombe à level nommé »

Des documentaires sont produits (« Vert de rage, engrais maudits » sur France Télévision), des « alertes » lancées, des députés scandalisés… En 2018, Greenpeace monte au créneau pour dénoncer le hazard sanitaire des phosphates marocains « contaminés » au cadmium. Générations Futures embraye… Et l’opinion s’emballe, renforçant la pression sur les politiques.


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Entre 2021 et 2024, les importations d’engrais phosphatés vers l’Europe en provenance de Russie s’envolent, passant de 402 000 à 793 000 tonnes, selon Eurostat. Le 22 mai 2025, après des mois de débats et finalement contraint par l’enlisement de la guerre en Ukraine, le Parlement européen a approuvé l’imposition de droits de douane sur les engrais phosphatés russes (jusqu’à présent exemptés), qui prendront effet le 1er juillet 2025.

« La campagne des URPS-médecins libéraux tombe pour elle à level nommé, automotive elle redoute de perdre ses marchés au revenue du Maroc ou du Moyen-Orient », glisse un fin connaisseur du secteur. Sur le cadmium, la vigilance s’impose, mais la panique n’est jamais bonne conseillère… Surtout lorsqu’elle s’aligne avec les intérêts du Kremlin.



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