Dans la jeunesse, « un discrédit du système politique » et « une acceptation plus grande de la violence »

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Lors de la dixième journée de manifestation contre la réforme des retraites, à Paris, le 28 mars 2023.

Directeur de recherche émérite au CNRS et spécialiste de la jeunesse, le sociologue Olivier Galland estime que seule une partie de la jeunesse manifeste aujourd’hui contre la réforme des retraites. Mais la mobilisation, même si elle n’est pas massive, montre l’affaiblissement de la démocratie représentative aux yeux d’une part significative des moins de 25 ans.

Comment analysez-vous la participation des jeunes au mouvement contre la réforme des retraites ? Peu présents au début de la mobilisation, ils ont grossi les cortèges depuis l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter la réforme, jeudi 16 mars.

La mobilisation des jeunes ne me semble pas massive, si on la compare à d’autres mouvements comme celui contre le CPE [contrat première embauche], comme on le fait depuis quelque temps. En 2006, les revendications touchaient les jeunes de manière spécifique et ils étaient plus nombreux dans la rue qu’en ce moment. Aujourd’hui, la question des retraites est en réalité peu mobilisatrice pour les moins de 25 ans, mais il existe une greffe opportuniste pour porter d’autres revendications sociétales.

Plutôt que « les jeunes », je préfère d’ailleurs parler « des jeunes », car c’est non pas toute la jeunesse qui manifeste mais bien seulement une partie. Si on reprend la typologie que nous avions définie avec Marc Lazar [professeur émérite d’histoire et de sociologie politique à Sciences Po] dans notre enquête sur « une jeunesse plurielle » en février 2022 [pour l’Institut Montaigne], deux types de jeunesse manifestent aujourd’hui. Ceux que l’on peut appeler les « révoltés » (22 % de notre panel), d’un côté, et les « démocrates protestataires » (39 % de notre panel), de l’autre. Mais, il ne faut pas oublier toute cette jeunesse désengagée et très loin des préoccupations politiques.

Qui sont ces « révoltés » et ces « démocrates protestataires » et que représentent-ils ?

Ils possèdent à la fois des points communs et de grandes différences. Schématiquement, les révoltés prônent un changement radical de la société. Une majorité ne croit pas à l’utilité du vote et ils possèdent un degré d’acceptation élevé de la violence politique. Sociologiquement, ils sont plutôt mal à l’aise dans la société avec des difficultés matérielles et une forte précarité. S’y agrège une petite partie de l’élite scolaire. Ces diplômés, souvent des plus grandes écoles, estiment que les politiques ont trahi leur mandat, notamment sur les questions environnementales, et veulent changer le système.

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