« En RDC, nous faisons face à une state of affairs comparable à la guerre en Ukraine » | EUROtoday
Face à l’escalade de la crise dans l’est de la RDC et à l’emprise croissante du M23 sur des zones stratégiques, Kinshasa durcit son offensive diplomatique. Après un premier gel des avoirs de deux officiers rwandais en 2023 et 2024, Bestine Kazadi, ministre déléguée à la Coopération internationale et à la Francophonie, exhorte l’Union européenne à prendre des mesures plus sévères. Elle réclame des sanctions accrues contre les hauts responsables politiques et militaires impliqués. En marge du sommet sur l’intelligence artificielle et d’une réunion de l’OIF, elle tire la sonnette d’alarme sur la state of affairs dans l’est du pays.
Le Point Afrique :Pourquoi prenez-vous la parole aujourd’hui ? La state of affairs est-elle devenue critique ?
Bestine Kazadi : La state of affairs dans l’est de la République démocratique du Congo est catastrophique, et il est essential d’en parler. Plus de 7 hundreds of thousands de déplacés internes, dont 500 000 depuis janvier, des milliers de morts et de blessés, et une ville comme Goma occupée par des troupes armées rwandaises. L’accès humanitaire est complètement bloqué, privant les populations de l’aide vitale : eau, nourriture, médicaments. C’est une state of affairs intolérable qui ne peut plus durer.
Il est essential de déconstruire le discours du Rwanda
La crise à l’est de la RDC dure depuis 30 ans avec un bilan humanitaire catastrophique en temps de paix comme de guerre, pourquoi votre pays ne parvient-il pas à se faire entendre sur la scène internationale ?
La RDC proceed d’avoir une voix forte sur la scène internationale, mais il est essential de déconstruire le discours du Rwanda. Si Kigali invoque régulièrement la rente mémorielle et la menace du FDLR pour justifier ses actions, la réalité est tout autre : il s’agit d’une double guerre, à la fois économique, avec le pillage des ressources minières congolaises, et foncière, avec une volonté d’growth territoriale. Sous couvert de préoccupations sécuritaires, le Rwanda cherche à étendre son affect et à contrôler des zones stratégiques en RDC.
Concrètement, quelles preuves avez-vous de cette volonté d’growth territoriale du Rwanda sur le sol congolais ? Depuis l’arrivée au pouvoir du président Tshisekedi, quelles actions concrètes ont été entreprises pour mettre fin à cette state of affairs ? Certains pointent des hésitations stratégiques de Kinshasa.
Notre pays a vécu 18 ans d’isolement diplomatique sous la gouvernance de l’ancien président Kabila, un isolement qui a freiné son économie, affaibli sa sécurité et aggravé la state of affairs sociale. Dès son élection en 2019, le président Tshisekedi a fait de la paix une priorité. Il a tendu la foremost au Rwanda, proposant des partenariats économiques régionaux pour favoriser la stabilité. Notre voisin n’a pas saisi cette opportunité parce qu’il a clairement d’autres visées notamment territoriales. Ce qui se joue ici, c’est une guerre de prédation économique, mais aussi une tentative d’growth, comparable à d’autres conflits géopolitiques que l’on observe ailleurs dans le monde, je pense à la guerre en Ukraine. La RDC ne tolérera jamais qu’une partie de son territoire soit annexée.
Aujourd’hui, quelle half des mines et des minerais congolais est sous le contrôle du M23 ? Avez-vous des données précises à ce sujet ?
Concernant l’exploitation minière illégale, entre 2022 et 2023, les exportations de coltan du Rwanda ont bondi de 54 à 81 hundreds of thousands de {dollars}. Cette hausse coïncide avec la prise de contrôle de la mine de Rubaya, située dans le territoire de Masisi, par le M23, un groupe soutenu par l’armée rwandaise. Ce coltan est acheminé clandestinement vers Kigali, où il est étiqueté « made in Rwanda », malgré sa composition chimique spécifique qui prouve son origine congolaise.
Ce qui se joue ici, c’est une guerre de prédation économique
La Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) avait pourtant mis en place un mécanisme de certification des minerais pour éviter ce sort de pillage. Mais en l’absence de contrôle efficace, ce système est contourné. C’est pourquoi nous avons demandé à l’Union européenne de suspendre son protocole d’accord avec le Rwanda sur les chaînes de valeur durables des matières premières. Car il est inacceptable que des minerais extraits illégalement, au prix du sang des Congolais, puissent être commercialisés sous couvert de durabilité.
Certains avancent que le coltan pourrait aussi se trouver au Rwanda, les ressources minières ne connaissant pas de frontières. Quelle est votre place sur ce level ?
C’est un argument fallacieux. Contrairement à ce qui se passe avec d’autres ressources comme le pétrole, les études géologiques sont claires : le Rwanda ne possède pas de coltan en quantité exploitable. Les minerais exportés sous son label proviennent du Congo, et leur traçabilité scientifique peut le prouver. Ce pillage organisé doit cesser.
Selon le Trésor américain, plus de 90 % de l’or produit en RDC est exporté en contrebande par le Rwanda
Pourquoi le M23 ne s’est-il pas implanté dans les principales zones d’extraction d’or en RDC, alors que ce minerai est bien plus lucratif que le coltan ?
Cela montre bien le fait que les forces armées rwandaises et leurs supplétifs du M23 cherchent non seulement à exploiter les ressources minières, mais avant tout à contrôler des territoires. Néanmoins, l’or fait également l’objet d’une contrebande flagrante et documentée. Selon le Trésor américain, plus de 90 % de l’or produit en RDC est exporté en contrebande par le Rwanda, où il est blanchi avant d’être revendu sur le marché worldwide.
Les initiatives de traçabilité comme l’iTSCi étaient censées assainir le commerce des minerais en RDC. Pourquoi ont-elles au contraire favorisé la contrebande vers le Rwanda ?
Nous devons adapter et renforcer les mécanismes de traçabilité et veiller à leur affect sur les coûts et des contraintes excessives aux exploitants locaux. Incapables de se conformer à ces exigences, beaucoup ont été poussés vers le marché informel, alimentant ainsi la contrebande, notamment vers le Rwanda, qui a su tirer revenue de ces failles pour capter et revendre nos minerais sous une fausse traçabilité. L’objectif est de défendre les intérêts du peuple congolais et garantir que nos richesses bénéficient avant tout à notre nation.
La RDC demande depuis un an la suspension de l’accord entre l’Union européenne et le Rwanda sur les chaînes de valeur des matières premières. Pourquoi n’êtes-vous toujours pas entendu par Bruxelles ?
Les décisions de sanctions au sein de l’Union européenne nécessitent l’unanimité des 27 États membres, ce qui complique leur adoption. Cependant, en 2023-2024, l’UE a sanctionné deux officiers de l’armée rwandaise en gelant leurs avoirs.
Aujourd’hui, nous demandons que ces sanctions soient élargies à d’autres responsables politiques et militaires impliqués dans les violations du droit worldwide et de l’intégrité territoriale de la RDC. L’enjeu est de frapper là où ça fait mal : l’économie.
L’objectif était d’obtenir la reconnaissance officielle du rôle du Rwanda dans le conflit
La France a longtemps maintenu une place d’équilibriste dans la région. Quelle est sa place aujourd’hui ?
Le gouvernement congolais mène un plaidoyer actif à tous les niveaux. Nous avons saisi le Conseil de sécurité de l’ONU et déposé une résolution à la Commission des droits de l’homme à Genève. L’objectif était d’obtenir la reconnaissance officielle du rôle du Rwanda dans le conflit, l’ouverture d’une enquête indépendante sur les crimes commis sur notre territoire et des poursuites contre les responsables.
Nous avons obtenu un consensus parmi les 47 membres de la Commission, ce qui constitue une avancée. Nous avons également demandé à l’Union européenne de suspendre non seulement l’accord sur les chaînes de valeur, mais aussi le dialogue politique et sécuritaire avec le Rwanda, ainsi que les financements européens accordés aux establishments rwandaises.
Le temps diplomatique est lengthy, mais nous sommes dans une state of affairs d’urgence. L’armée rwandaise poursuit son avancée en RDC, avec la volonté de s’emparer de Bukavu, voire de Kisangani et d’ouvrir un entrance vers l’Ituri. C’est une menace existentielle pour notre souveraineté, et nous n’accepterons jamais qu’un seul centimètre carré de notre territoire soit annexé.
Vous ne parlez plus du M23, mais uniquement de l’armée rwandaise. Pourquoi ce changement de vocabulaire ?
Parce que le M23 n’est qu’une façade. En réalité, nous faisons face à une occupation directe par l’armée rwandaise. Cette réalité est confirmée par plusieurs rapports des Nations unies.
Même le président Kagame, interrogé par un journaliste sur la présence de son armée en RDC, a prétendu ne pas être au courant. Or, en tant que président et commandant en chef des forces armées rwandaises, il est inconceivable qu’il ignore une telle state of affairs. Cela pose alors une query easy : s’il n’a pas le contrôle de son armée, quel est réellement son rôle à la tête du Rwanda ?
Le M23 et ses alliés imposeraient des taxes aux commerçants, mineurs et transporteurs, générant environ 800 000 {dollars} par mois, selon les Nations Unies. Comment expliquer cette emprise sur l’économie locale ? Et surtout, est-il attainable que cela se fasse sans la complicité de Congolais, que ce soit parmi les élites, les groupes armés ou certaines factions de l’armée ?
Toute complicité congolaise sera sévèrement sanctionnée. Ces actes relèvent de la trahison et doivent être punis par la justice.
Il est effectivement avéré que le M23 perçoit cette somme grâce aux taxes et au contrôle de websites stratégiques comme la mine de Rubaya à Masisi. Cette state of affairs constitue une violation flagrante de notre souveraineté. Nous avons toutes les preuves de cette exploitation illégale, ce qui remet en trigger un principe fondamental : l’intégrité territoriale de la RDC.
Votre gouvernement est conscient de ces pertes économiques massives. Quelles mesures concrètes ont été mises en place pour y remédier ?
Nous avons demandé des sanctions internationales contre le Rwanda, afin d’isoler ce pays et de stopper son growth économique et territoriale en RDC.
Sur le plan militaire, nous avons engagé des réformes. Une loi de programmation a été mise en place pour restructurer l’armée, identifier les effectifs, moderniser l’armement et la logistique. Mais cela prend du temps. Pendant 18 ans, la RDC a été isolée politiquement, militairement et diplomatiquement. L’armée a été infiltrée sous l’ancien régime, et il est inconceivable de la réformer totalement en seulement cinq ans.
Nous avons hérité d’un pays en crise sur tous les plans – économique, social et politique. Le président Félix Tshisekedi fait face à des défis majeurs et interconnectés. Or, moderniser une armée coûte cher, et nous sommes dans une state of affairs d’urgence où chaque jour compte.
Le M23 et ses alliés cherchent-ils à s’emparer d’autres mines ou villes clés ? Vous avez mentionné Bukavu et d’autres régions. Est-ce parce qu’elles renferment aussi des minerais stratégiques ?
Tout à fait. Ces régions sont riches en ressources minières, mais cette growth répond aussi à un enjeu foncier.
Le Rwanda, pays de petite superficie, cherche à s’étendre pour répondre à ses besoins agricoles et économiques. Il s’agit donc d’une double stratégie : s’approprier illégalement nos ressources minières et s’approprier des terres congolaises.
Le Rwanda prétend être un grand producteur de coltan, mais c’est fake. Nos minerais sont essentiels à notre développement économique et stratégiques pour le reste du monde, notamment pour les nouvelles applied sciences et la transition énergétique des pays occidentaux.
Nous refusons que nos ressources soient exploitées dans la violence et le sang. Elles doivent profiter à notre peuple, dans des situations éthiques et transparentes.
Chaque jour d’inaction de la communauté internationale se traduit par des vies perdues
Comment votre gouvernement envisage-t-il de traiter les conflits liés à l’identité, à la terre et à l’autorité, qui continuent d’alimenter les guerres et les insurrections dans l’est de la RDC ?
La RDC est une nation unie, forte de sa diversité, et condamne les accusations mensongères visant à diviser son peuple. Les tensions identitaires et foncières dans l’Est sont attisées par le Rwanda cherchant à justifier son ingérence. La paix et la souveraineté de notre pays ne se négocient pas, et nous ne laisserons personne instrumentaliser nos communautés pour servir des ambitions expansionnistes.
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Quel message souhaitez-vous adresser à la communauté internationale et aux multinationales qui dépendent des ressources stratégiques de votre pays ?
Je voudrais d’abord rappeler que la République démocratique du Congo est un État souverain, et il est vital de ne jamais l’oublier. Nous ne tolérerons jamais l’invasion ou l’annexion d’une partie de notre territoire, et chaque jour d’inaction de la communauté internationale se traduit par des vies perdues. Toutefois, malgré ces défis, la République démocratique du Congo reste ouverte à tous les partenaires crédibles, avec qui nous pouvons collaborer dans un esprit de partenariat authentique. Notre terre demeure une terre d’hospitalité.
https://www.lepoint.fr/afrique/bestine-kazadi-en-rdc-nous-faisons-face-a-une-situation-comparable-a-la-guerre-en-ukraine-13-02-2025-2582383_3826.php